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De la nécessité de relier transformation radicale et transcendance

samedi 23 mai 2020

Essayons de clarifier ce qui relie transformation radicale et transcendance.

Des gens de tous bords, de toutes origines, qu’ils soient croyants ou athées, semblent d’accord sur la nécessité d’une transformation radicale, générale et globale des pseudo-sociétés dans lesquelles nous croupissons (et c’est à eux en priorité que s’adresse ce texte, même si ceux qui n’avaient pas envisagé cette nécessité pourront également le lire, notamment ceux qui pensent que l’humanité a toujours trouvé des solutions aux problèmes et que le niveau de vie a globalement augmenté, que la faim dans le monde a régressé, etc.).

Pourtant, cet accord n’a rien d’évident. Dès que l’on cherche à s’entendre sur le sens à donner à l’expression « transformation radicale », dès que l’on souhaite aller au-delà des bonnes paroles et des incantations (liberté, égalité, fraternité, par exemple, ou encore Justice, socialité, préservation de l’environnement, etc.), les difficultés commencent. Et si l’on s’intéresse au caractère global de la transformation nécessaire, les choses deviennent encore plus compliquées.

Demandez à plusieurs de ces "révolutionnaires" si la dimension relationnelle, affective et sexuelle doit être transformée. Vous serez surpris des réponses.
Pourtant, comment ne pas voir les liens étroits entre famille et Etat, entre famille et capitalisme ! Pour parler de transformation radicale, ne faut-il pas mettre en cause l’appropriation des personnes ? Ne faut-il pas proposer de dépasser le couple exclusif (qu’il soit homosexuel ou hétérosexuel) et la famille traditionnelle, modifier la parentalité et la sexualité, sans pour autant tomber dans la futilité, la consommation et les relations jetables ? Ne faut-il pas arriver à dépasser la différence physiologique entre les "hommes" et les "femmes", même quand cette différence est présentée comme une complémentarité et non comme une rivalité ou une source d’inégalité ? Ne faut-il pas également comprendre (et le vivre) que chacun d’entre nous est à la fois homme et femme, dans des proportions variables et différentes, ce qui modifie radicalement, entre autres, la parentalité et renvoie à la préhistoire les lamentables vociférations des "tradi" et autres "manifestants pour tous", mais aussi les appels à la morale de certains "gens de gauche".

Dans le domaine du rapport aux animaux et à la « nature », les réponses de nos soi-disant révolutionnaires peuvent aussi être surprenantes. Pourtant, pour parler de transformation radicale, ne faut-il pas a minima cesser de manger de la viande et de tuer des milliards d’animaux pour notre bon plaisir, nos vêtements, notre santé ? Ne faut-il pas de toute urgence arrêter le massacre quotidien des autres êtres vivants ?

L’on peut oser espérer que tout le monde est d’accord sur la condamnation totale de l’Etat et du capitalisme, du salariat, de la propriété privée...

Supposons acquise la nécessité d’une transformation radicale. Que construire à la place ? Si l’on veut mettre en place une véritable démocratie et (re)mettre à sa place l’économie, ne faut-il pas au préalable que soient transformées totalement les mentalités, ne faut-il pas renoncer au pouvoir, à la domination, à la compétition, à l’appropriation ? Cela supposerait donc de parvenir à un accord sur l’idée fondamentale selon laquelle aucune évolution collective n’est possible sans évolutions personnelles et individuelles préalables ou au moins concomitantes. Or, il ne manquera pas de bons apôtres du statu quo qui diront que c’est illusoire parce que l’homme est déterminé par le social et que la liberté est un leurre [1]. Or sans liberté, pas de changement personnel possible...

Mais là encore, supposons un accord sur le lien entre évolution personnelle et évolution collective. Que construire à la place de l’Etat et du capitalisme ? Le fédéralisme, l’autogestion ? Le communisme sans passer par la dictature du prolétariat ? Une forme tout à fait nouvelle d’organisation collective ?

Autre question : cette transformation doit-elle être le fruit de la violence armée ou de la non-violence ? De la prise du pouvoir ou de la renonciation à tout pouvoir ? Faut-il prendre d’abord le contrôle de l’Etat ou renoncer dès le départ à cette forme de vie politique héritée d’un passé terrifiant ? Faut-il un mouvement unitaire ou des initiatives isolées qui finiront bien par converger ?

Est-il besoin de continuer ? L’on voit en définitive que pour parvenir à répondre à ces questions, il faudrait un accord fondamental sur l’existence de quelque chose d’absolument commun à tous. Pour parvenir à un accord sur les finalités, il faut une référence à une Transcendance, à quelque chose d’universel, de valable pour tous. Autrement dit, transformation radicale et transcendance sont inséparables.

Or, selon la vulgate rationaliste, il ne peut y avoir de transcendance. Dieu est mort, les grandes idéologies aussi. Pire, toute Transcendance est vue par la plupart des gens comme une menace, une atteinte à la liberté, une limitation du libre examen, une aliénation (l’opium du peuple…). Elle supposerait l’existence d’une nature humaine dont on serait forcément prisonnier, etc.

Pourtant, ces mêmes apôtres du rationalisme refusent de voir que ce que l’on a sous les yeux, et qui est directement le résultat de l’évacuation de toute transcendance, ne vaut pas mieux : aliénation, atteintes aux libertés, mépris de la vie humaine et des individus, reproduction sans fin du système social par le conditionnement, esclavage moderne… le tout composant une synthèse abominable et bancale du 1984 d’Orwell et du Meilleur des monde de Huxley. Au fond, l’évacuation de toute Transcendance a accouché du monde à propos duquel l’on s’est accordé pour dire qu’il était insupportable !

Certes, il y a eu dans le passé des références à une Transcendance qui ont abouti à un monde tout aussi effroyable, à des atrocités sans nom. Et cela continue aujourd’hui dans certaines régions du monde. L’horrible patriarche de l’église orthodoxe russe nous en a fourni un exemple tout récent. Mais qui en est responsable ? La Transcendance ou les hommes qui s’en sont emparés à des fins de domination ? Ici, les antithéistes, ceux qui sortent leur revolver dès qu’ils entendent le mot Dieu, sont d’une particulière mauvaise foi parce qu’ils refusent de voir qu’il y a des « croyants » qui refusent la domination et l’exploitation des autres, qui œuvrent au contraire pour leur disparition. Or, l’existence de ces croyants là démontre que le problème ne vient pas de la Transcendance mais des hommes !

Alors ?
D’un côté, le monde tel qu’il est. De l’autre une impossibilité de parvenir à un accord sur la manière de le changer en l’absence d’une Transcendance. J’aimerais tant me tromper sur ce point. J’aimerais que les faits me démentent, qu’il y ait un regroupement des initiatives locales, que tous ceux qui entrevoient des solutions se mettent d’accord pour travailler ensemble, que se construisent une réelle alternative, coordonnée, unifiée, unie au moins sur des grands principes, que les "alternatifs", "rebelles", "résistants", "radicaux", anarchistes, etc. travaillent ensemble et construisent réellement autre chose. Mais pour l’instant, je ne vois rien. Ou alors que des initiatives isolées, certes toutes intéressantes, mais parcellaires, sans accord sur les finalités, sans aucune concrétisation commune, sans programme commun. A tel point que l’on peut s’interroger : y a-t-il vraiment une volonté de construire autre chose, pourquoi en est-on là, que se passe-t-il ?

Si l’on en reste là, rien ne changera. Comme les personnages à la fin de la pièce de Sartre « Huis clos », nous sommes condamnés à dire « Et bien continuons ».

Notes

[1La sociologie bourdieusienne est, malgré ses apparences progressistes, typique de ce cercle vicieux inextricable.

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