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Les Religions et le Pouvoir

lundi 6 juillet 2015

Dans le désert, Jésus a renoncé aux séductions désastreuses du pouvoir et, tout au long de son ministère, il a pris ses distances par rapport aux pouvoirs séculiers et religieux. En est-il de même des Eglises qui prétendent s’inspirer de Lui ? Evidemment non. Même constat pour les autres religions. En fait, elles n’ont cessé de pratiquer une confusion entre le pouvoir qu’elles auraient dû éviter à tout prix et l’autorité qui aurait dû constituer leur mode normal de fonctionnement. Le pouvoir est exercé par un seul ou par des hiérarchies plus ou moins centralisées qui dictent leurs vues en tenant compte ou non des avis formulés par d’éventuels organismes purement consultatifs. Le pouvoir, c’est une contrainte qui s’impose de haut en bas sans discussion.

Tout autre est l’autorité qui construit et se construit de bas en haut. Certes, elle peut être détenue par une seule personne, mais dont le rôle est de faire des propositions, d’instaurer une concertation, de suggérer des compromis, de faire oeuvre de conciliation en essayant de prendre en compte tous les points de vue exprimés par les participants, jusqu’à ce que puisse être adoptée une décision qui les satisfasse tous plus ou moins. Il y aura des cas exceptionnels où le responsable élu devra trancher parce qu’il sera impossible de parvenir à un accord dans un délai raisonnable. Mais, la plupart du temps, sa fonction se bornera à "officialiser" les résultats d’une délibération prise en commun. L’autorité ne violente personne : c’est la cerise sur le gâteau ! Selon l’étymologie du mot, c’est un supplément qui a une importance formelle, mais pas "substantielle".

Dans toutes les religions existent donc malheureusement des "élites" (clergés, théologiens, juristes) qui assujettissent les "fidèles" à leur pouvoir. Toutes ne vont pas jusqu’à édicter des sentences de mort, mais elles agissent souvent (comme c’est le cas dans l’Eglise catholique) avec une incroyable brutalité. Longue serait la liste complète des malheureux qui ont subi "les foudres romaines" entre l’époque de Lamennais et celle de Jacques Gaillot. Quantité de francs-tireurs (dont beaucoup ont été réhabilités par la suite) ont été condamnés. Je pense au fondateur de l’Ecole biblique, le P. Lagrange, aux "abbés démocrates", au "Sillon", à l’hebdomadaire "Sept", au P. Teilhard, au P. Congar, aux dirigeants de la JEC, aux prêtres ouvriers, aux théologiens de la libération, à Hans Küng, etc., etc. A un moindre niveau, les évêques, bien qu’assistés par des conseils, se comportent en petits potentats seuls maîtres à bord. Même les "simples prêtres" se croient obligés de chapeauter la moindre association de laïcs, qui pourrait cependant se débrouiller très bien toute seule.

Bref, on assiste à un retour en force du cléricalisme, accompagné de ses frères jumeaux, le dogmatisme et le moralisme. Les petits abbés en strict col romain sont particulièrement redoutables. L’impression est qu’on essaie de compenser la diminution continue du nombre des prêtres par un renforcement de leur pouvoir. Et je suis étonné de constater que beaucoup de comportements et de discours actuels reprennent ceux que j’ai connus à la fin des années 40 et pendant les années 50. Le catholicisme penche de plus en plus à droite et plus que jamais se vérifie la boutade selon laquelle le clergé constitue l’Eglise, alors que les fidèles ne font que lui "appartenir" ! J’en veux pour preuve l’existence d’un livret officiel intitulé "Guide de l’Eglise de France" dont j’ai lu une édition il y a quelques années. On y trouve le détail des institutions nationales qui la régissent et un trombinoscope complet des prélats. Toutes les Commissions sont dirigées par un évêque président et un prêtre secrétaire. Sur un total d’environ 50 à 60 personnes formant le "staff", j’ai constaté qu’il ne comprenait qu’une demi-douzaine de laïcs dont deux femmes, affectés à des charges secondaires et séculières (secrétariat,comptabilité ...), à part une soeur catéchiste ! En fait, ce petit ouvrage devrait porter pour titre non pas "Guide de l’Eglise de France", mais "Guide de l’épiscopat français". A moins qu’on ne considère (et c’est apparemment le cas) que la véritable Eglise se réduit aux clercs, les chrétiens de base ne formant que des troupes supplétives surtout chargées de pourvoir aux besoins matériels des "cadres".

Et quand une minorité de fidèles se refuse à suivre la ligne de plus en plus droitière et réactionnaire fixée en son temps par Lustiger et sa pépinière épiscopale, ils sont systématiquement ignorés. C’est ainsi par exemple que KTO, si je ne me trompe, n’invitait jamais les journalistes de "Témoignage chrétien". Quelle intolérance ! Et comme on comprend les réflexions de membres du "Parvis" (eux aussi relégués dans les ténèbres extérieures) se réjouissant presque de la crise de recrutement sacerdotal, en laquelle ils voyaient la possibilité d’un desserrement de l’emprise cléricale ! Et, pour terminer, cet aveu d’un curé parisien reconnaissant que les responsabilités (très limitées, c’est moi qui l’ajoute) confiées aux laïcs ne l’auraient jamais été si la crise des vocations n’avait pris une tournure dramatique.

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