Valeurs et valeur

Le propre des valeurs, c’est de n’en avoir aucune... lorsqu’elles ne sont que le fruit sec de cogitations purement théoriques ! Pour se donner de lui-même et à lui-même une image avantageuse, l’homme invente de nobles abstractions creuses qui ne correspondent à rien de réel, mais qui ont le mérite de le flatter lorsqu’il prétend les honorer (v.g. le triptyque liberté, égalité, fraternité), alors qu’il se borne à faire semblant. L’escroquerie atteint son comble lorsqu’il se prend lui-même pour la valeur suprême qu’il faut vénérer en tant que telle. Il se présente alors comme plein d’une "dignité" objet de tous les respects, mais qu’il ne cesse, dans la pratique, de bafouer chez autrui. Et, d’une certaine manière, ça se comprend : pourquoi ploierait-il le genou devant ses propres inventions dont il est bien placé pour connaître la facticité et la véritable raison d’être, à savoir son exaltation en lieu et place de Dieu. Il crée pour les besoins de sa cause des concepts aussi grandiloquents qu’illusoires et stériles. Coupées de la Valeur, les prétendues "valeurs" philosophiques ressemblent à des "hors sol" anémiques et moribondes.

Mais tout change lorsqu’il ne s’agit plus de la fabrication artificielle de chimères rationalistes, mais de valeurs authentiques qui existent par elles-mêmes, objectivement et indépendamment de ce que l’homme peut en dire. Il lui faut les découvrir au fond de lui-même et les faire jaillir sous la forme d’une Source divine, d’une Transcendance personnelle sur laquelle il doit se "brancher" pour balayer les vieilleries laïques néo-kantiennes et les remplacer par de véritables Valeurs légitimes et efficaces parce que inspirées d’en-haut. Ainsi se constituerait une Morale supérieure vivante dont les exigences seraient d’autant mieux acceptées qu’elles ne seraient plus d’origine humaine, mais qu’elles exprimeraient une intention divine. Si la préhumanité y adhérait et le pratiquait, si elle acceptait de collaborer avec Dieu, elle ne serait plus la préhumanité et nous vivrions dans un tout autre monde régi par des lois divino-humaines en amélioration constante. Pour l’instant, nous n’en sommes qu’aux voeux pieux. Livrées à elles-mêmes, nos collectivités se montrent incapables et indésireuses de se transformer. Et elles s’obstinent à créer des "valeurs" de contrefaçon, dérisoires, privées de consistance et de fécondité, auxquelles elles ne croient ni n’obéissent. Qu’elles cessent de se prendre pour Dieu... et d’imiter le baron de Münchhausen qui voulait se soulever en se prenant par les cheveux !!